Conserver Adapter Transmettre
Matière, construction, électricité, chauffage, dans le bâtiment le carbone est partout, du dessin à l’usage. Aussi, le meilleur moyen de baisser les émissions de ce secteur, un des plus carboné, c’est d’abord de ne pas démolir pour reconstruire, de conserver pour stocker, d’adapter formes et matières afin de transmettre des bâtiments plus vertueux dans leur fonctionnement et leur urbanité. Le principe de refaire la ville sur elle-même n’est pas nouveau mais le carbone nous fait radicalement changer d’ère. Il oblige et questionne tous les patrimoines et tous les temps du projet.
Comment acclimater et ouvrir un îlot haussmannien en gardant son identité ? Réparer une tour de bureau moderne ou des immeubles de logement pour les rendre moins énergivores ? Que faire d’un ancien central téléphonique, de laboratoires universitaires obsolètes ou d’un transformateur électrique ? Peut-on habiter un parking ? Jardiner dans une maternité ? Convertir un bâtiment monofonctionnel en programme mixte ?… Comment consommer moins et offrir plus ?
Au travers de l’analyse d’une quarantaine de projets de rénovation, réhabilitation, reconversion dont les permis ont été déposés à Paris entre 2020 et 2022, et des lauréats de concours récents, l’exposition et l’ouvrage Conserver Adapter Transmettre souhaitent rendre compte de ces nouveaux modes de fabrication qui conjuguent enjeux climatiques, volontés patrimoniales et programmations adaptées aux attentes contemporaines. Les réponses multiples, dévoilées au travers de maquettes et de dessins produits spécialement par les architectes, dressent un panorama des fondamentaux de l’architecture parisienne de demain. En quête de durabilité et de performance énergétique, elles développent des dispositifs simples et passifs plutôt que des systèmes électriques ou numériques. Cela se traduit par des géométries renouvelées réinterprétant souvent des formes connues : des façades plissées pour se protéger, épaisses pour réguler, des cheminées pour ventiler, des jardins pour tempérer, de grandes hauteurs sous plafond pour rafraîchir, des espaces traversants pour aérer, des casquettes pour abriter, des stores pour ombrager, des réservoirs pour stocker, des patios pour éclairer… tout un vocabulaire bioclimatique oublié par la modernité ici reconstruit dans une pluralité de matériaux privilégiant les filières sèches pour réduire les nuisances, les matériaux bio et géo-sourcés (pierre, chanvre, terre, paille…) pour diminuer l’impact et le recours au réemploi d’éléments directement déconstruits sur site ou déposés à côté pour moins prélever de ressources tout en participant à la re-naturation de la ville en désimperméabilisant ce qui était bitumé et végétalisant ce qui était minéral.
À Paris, 70% des autorisations d’urbanisme déposées concernent des opérations de transformation et cette part ne cesse d’augmenter. Ces transformations ouvrent un champ d'explorations extrêmement stimulant pour les disciplines urbaines et architecturales en conjuguant les principes de résection, de réparation et de rationalisation constructive. Sous le prisme de l‘économie de moyens, du respect de l’œuvre des générations précédentes et de l’inscription dans la durée des édifices qui contribuent et fondent la ville, s’inventent des objets hybrides, raisonnés dans leur mise en œuvre et frugaux à l’usage. La promesse de constructions capables de faire face au réchauffement climatique et à la raréfaction des ressources qui conjugue simultanément trois engagements : conserver, adapter, transmettre.